Le ventre blanc de l’esthéticienne

cyril belange
3 min readApr 14, 2024

Tiens, un salon d’esthéticienne. Juste au coin de la rue là où je faisais faire mes ourlets. Deux jeunes esthéticiennes au look de rappeuses en lieu et place de la couturière eurasienne, usée, qui recevait ses clients dans un local fermé à clé en permanence, qui reprisait un œil sur ses séries romantiques préférées, l’autre sur les nuées de portraits de ses enfants, petits-enfants, arrières petits-enfants ? Comment savoir, cette femme n’avait pas d’âge.

Je pars de bon matin, j’arrive au coin de la rue, face à l’ancienne boutique de la couturière hors d’âge et me voilà nez à nez avec le ventre blanc de l’esthéticienne. Trop à découvert, trop impudique trop illustratif, je sais ce qu’est un ventre de femme, pourquoi me le mettre sous le nez quand je vais chercher ma Banette ?

Ce petit ventre n’est pas laid du tout. D’ailleurs, ce n’est pas la question. Ce ventre est mort, c’est un ventre de poisson mort. Flageolant, un peu flasque, gélatineux. Poissonneux. C’est une rémanence de poissonnerie. Un ventre comme celui des poissons morts de l’étal, trop blanc parce que trop éclairé. Trop présent surtout juste au-dessous du crop top et ça avale tout le reste de la silhouette. Quel dommage, elle doit avoir une nuque délicieuse, un nez de fée, des attaches fines, trop tard, c’est mort, comme le poisson. Mort. Pourquoi cela me perturbe tant ? Blafard le ventre, et ça me…

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